Texte

Le retour à la terre

Moulim El Aroussi

Voici un peintre au parcours très insolite. Il est rare de trouver, aujourd’hui au Maroc, un peintre de l’âge de

Mohammed Mourabiti qui ne soit pas passé par les études artistiques ; le temps des autodidactes nous semble actuellement révolu. On croyait que cela faisait partie des époques passées où la société marocaine n’arrivait pas encore à se représenter l’image du peintre ; or les artistes et les peintres plus particulièrement remplissent, de nos jours, les écrans des médias.

Mais il paraît que Mourabiti était, depuis son jeune âge prédestiné à l’art ; car depuis toujours il adorait bricoler. A la fin du collège, il essaya de s’orienter vers les arts pastiques contre l’avis de ses parents qui auraient aimé le voir se diriger vers une branche scientifique. La volonté parentale finit par l’emporter. Il prépara un diplôme en électronique. Après cela, ce fut la rupture avec la famille. Il a trouvé un petit boulot pour payer des cours de dessin et de peinture. Le jour où il a montré son travail aux artistes et aux critiques, il a senti le poids de la responsabilité artistique, selon ses déclarations.

Son travail est pure réminiscence. C’est le retour de toute son enfance à Marrakech : les rues étroites, la perspective des murs, le jeu de l’ombre et de la lumière. A cela s’est ajoutée aujourd’hui sa relation à la terre et à la nature. Il vit au pied de la montagne, à Tahanaout. Là, devant l’immensité de la Terre, l’environnement est devenu une composante plastique essentielle de sa peinture.

Mais bien auparavant, Mourabiti était attentif à l’enviro-nnement. A Casablanca, où il vécut une partie de sa jeunesse et à Marrakech où il est retourné au début de sa carrière artistique, le paysage urbain l’interpellait avec force. Outre l’architecture, la texture des murs, l’ambiance des quartiers… son œil sensible balayait les terrasses des maisons et emmagasinait les images des paraboles plantées telles des créatures venues d’une autre planète. Ces silhouettes ont commencé par hanter ses toiles avant de devenir un véritable module plastique.

En fait, les paraboles dressées, telles des girouettes, dans des champs de blé, rythmaient la cadence visuelle de l’artiste et s’infiltraient pour devenir un jour le leitmotiv récurent de sa gestuelle intime. Elles commencent par faire leur apparition à l’état anecdotique puis elles se sont purifiées, stylisées, avant de s’abstraire pour ne demeurer que trace rappelant le trait d’un événement qui fut un jour.

Cette abstraction de la forme parabolique (dans tous les sens de l’image), s’accompagna d’une introduction de la terre. En fait Mourabiti travaillait à partir d’un référent terrestre, celui du rappel du mur de la ville du Sud, en l’occurrence le pisé ; mais la terre à laquelle je fais ici allusion, relève de Physis au sens grec. L’artiste vit au sein de la terre, il la hume, il la pratique, il la pétrit et la construit. On dirait que, à la manière des alchimistes, il cherche un paradoxe combien délicieux en art, et nulle part ailleurs : s’enfoncer dans la terre et interroger la technologie.

Moulim El Aroussi