Texte

Mohammad al-Morabiti, peintre de l’intensité à la foi

Rajae Benchemsi

Mystère. Invisible. L’on peut sans conteste soutenir que Mohammad Mourabiti est dès l’abord dans l’errance du vrai ; centre précisément invisible mais fascinant et attractif qu’il ne cessera de poursuivre. Très tôt animé par un sentiment de justice qui déborde, pourrait-on dire, sa conscience de jeune adolescent, il tourne le dos aux rouages classiques de l’enseignement et quitte le Lycée Ibn Toumert pour entamer son éducation personnelle. Il exprime alors le désir d’intégrer l’Ecole des Beaux-arts de Casablanca, mais se heurte à l’interdit, ferme et irrémédiable, de l’Administration sous prétexte qu’il n’a pas le diplôme requis. Plutôt que de le calmer cela attise sa colère, l’affirme dans sa volonté et confirme son tempérament de jeune rebelle.

En bon musulman, il se réfugie dans le giron de sa mère tout en prenant systématiquement sa défense contre l’autorité du père qui finira par le déterminer à subvenir à ses besoins à un âge très précoce. Après une formation et un diplôme en technologie, il travaille dans différents secteurs avant que le sort ne le mène vers une entreprise de stores où il tire la toile, la tend et la plisse, accomplissant là un geste prédestiné. Ce n’est que beaucoup plus tard que cette même toile retiendra dans sa trame le secret de l’univers intérieur de l’artiste ainsi que les prémisses d’une symbolique qui très vite, énonce et figure une matière spirituelle où les mausolées, aux coupoles blanches, balisent et orientent l’espace tant des étendues rurales que celui des cités traditionnelles.

Cette toile est tantôt recouverte d’aplats rouges, blancs, noirs ou verts qui percent une « Je fus saisi. Choqué. Déçu, me confia-t-il. Pourquoi son tombeau est-il recouvert d’une vitre ? Pourquoi une telle négligence quant à l’architecture du Mausolée ? » Puis, paisible il ajouta : «Malgré la colère, je m’assis et récitai la sourate Ya-cin. » Peu à peu le submergea un puissant influx spirituel, celui-là même issu de cette source inépuisable et qui à ce jour continue de souffler sur l’Orient et l’Occident, celui du plus grand des maîtres et qui disait : « Je ne parle que de ce que je goutte. » Cette saveur indicible aurait-elle imprégné le cœur du jeune artiste ? Sans doute cette grâce ininterrompue et diffuse le prédisposa-t-elle à « se trouver ». A « trouver son être ». Wajada nafsahu. « C’est à ce moment précis, me dit-il, que je décidai de rendre cet humble hommage à cet illustre ami de Dieu. »

Quant à cette enveloppe de verre qui entoure le tombeau d’Ibn Arabi, ne pourrait-on pas soutenir qu’en tant que principal héritier mohammadien, il est éternellement, aussi, une lumière qui luit à l’intérieur d’un verre…, symbole de pureté et de transparence.

Rajae Benchemsi