Téléphone
+212 123 456 789
Email
info@al-maqam.com
Copyright © 2024 AL MAQAM ATAQAFI SARLAU
Conçu et développé par Noureddine JanaQuand il est arrivé à la Cité Internationale des Arts de Paris, venant de ce haut lieu de créativité qu’est Al Maqam, Mohamed Mourabiti déposa, tel un nomade errant, dans l’atelier 1410, son viatique essentiel: sa mémoire, son corps et son désir d’étreindre l’altérité. Au cours des 9 mois que dura son séjour, Tahanaout prit place et corps sur Seine dans cet espace chargé d’histoire. Il faut dire que le peintre n’était sous l’emprise d’aucune nostalgie rance, mais seulement animé par le souci d’ouvrir le champ du Natal vers ce Dehors emblématique, synonyme d’Occident, objet de fascination pour les uns et de répulsion pour d’autres. Pour travailler le croisement entre ces pôles (Orient- Occident- Maghreb), la mémoire de cet Atelier lui servit de première passerelle ; vu que d’illustres artistes marocains, tels Mohamed Kacimi, Farid Belkahia, Tibari Kantour, Drissi et bien d’autres y ont séjourné et travaillé. Attentif à la question de l’atelier comme réceptacle, mémoire en dialogue, laboratoire d’alchimie secrète, scène ouverte, Mourabiti investit donc cet espace pour le transformer en un lieu où a lieu en permanence le corps à corps avec la toile. Comme le Maqam, l’atelier prolonge ici le corps du peintre, ses rêves, ses extases, enrichit ses visions de l’art, les élargit à d’autres expériences internationales dont Paris est l’un des principaux creusets.
Dans le travail de Mourabiti, il faudra désormais compter avec ce « moment parisien », qui s’inscrirait dans ce que le peintre qualifie lui-même d’« expérience du voyage », à savoir un déplacement de l’œil et du geste vers d’autres territoires, d’autres visions, de nouvelles représentations et de nouveaux langages plastiques, plus nomades et davantage travaillés par la trace et le palimpseste.
Tout en prolongeant une première « phase verticale » dans laquelle l’œuvre se soutient d’une architecture complexe du visible, d’un dialogue entre le haut et le bas, le ciel et la terre, les derniers travaux inscrivent l’œil et le geste dans une horizontalité où le blanc irradie la surface de la toile. Le blanc, couleur spirituelle par essence, renvoyant à la pureté, à l’immaculation, se trouve ici, parfois « moucheté », des fois lesté par d’autres couleurs : le bleu indigo, le jaune, le vert, l’ocre. Mais le blanc est une matière fragile, plus proche du plâtre. « Matière sans poids… la plus périssable, la plus spirituelle » comme l’écrit Sartre à propos du travail d’Alberto Giacometti. Il serait intéressant d’entreprendre un rapprochement entre le blanc dans le travail de Mourabiti, couleur apaisante, sereine, et celui de certaines expériences musicales, poétiques, mystiques, pour y saisir ce moment dans lequel l’énergie du neutre et de l’éclaircie d’une note musicale, d’un phrasé poétique ou mystique, procurent quiétude, silence et ravissement. C’est en cela que la peinture de Mourabiti n’est pas une peinture bavarde, mais quiète et silencieuse. Habité par les formes du sacré, notamment les coupoles et les marabouts, (on ne saurait d’ailleurs réduire les derniers travaux à cette seule thématique), le peintre leur fait subir un traitement déconstructiviste. Non pour les débarrasser de leur sacralité mais pour en faire des espaces habillés par le verbe humain aussi bien que divin. Dans un Marabout, ça parle et ça n’arrête pas de parler, même le silence y est éloquent ! « Un Marabout est le produit du langage et du désir» relève Mourabiti. Dans ces travaux, la scène diffractée du sacré s’offre à notre regard à partir de traits qui figurent et défigurent en même temps : Marabouts obliques, fendus, inversés ou renversés, pâte du papier journal transformée en offrandes disséminées dans le blanc immaculé de la toile.
L’horizontalité de cette seconde phase comme déploiement vers le dehors, comme silence et éclaircie appellent le voyage et le déplacement. L’œuvre de Mourabiti nous y engage sur leurs chemins écartés, escarpés et toujours en bifurcation. •
Maati Kabbal
Journaliste-écrivain.
Responsable des jeudis de l’IMA