Poème

Ruptures

Abdelhak SERHANE

Toute peinture est l’histoire d’une solitude

Traçant les limites du rire et de la vie

Celle d’une enfance râpée

Rompue aux légendes assassines

A portée de nos douleurs glacées

C’est une mémoire en souffrance

De pierres en chute libre

D’hécatombe et de morsures de serpents

Le venin marche en nous

En cercles convulsionnés de bave

Et de ruptures

Demain

Est si proche déjà

Si loin dans nos mémoires

Confondu avec le crépuscule

De nos lamentations

Sur le fil ténu de nos tempêtes

La perpendiculaire du destin

Tombe droit

Comme les averses d’hivers

Par temps de grisaille

Quand Marrakech s’habille d’ocre

De vert

D’or et poussière

De sombres exils

Posés sur les flancs de l’Atlas

Poudré de blanc

Et de désillusion

La nuit marche sur nous

En cadavres précaires

Telle une couleuvre de boue et de suite

Nuit blanche

Brutale

Et de ciel de deuil et de sang

Qui tombe sur nos cadavres

Brouillard et séisme des labyrinthes

Bâillons de l’enfance saccagée

Flétrissures chevillées à nos obsessions

Nos rires tracés aux larmes

De la lassitude

Nos carcasses en ruines

Entre marécages et soleils de calvaire

Nos souffles brisés contre le récif

Notre regard enclavé

Sombre

Sculpté dans la moisissure

Pour les siècles passés

Les siècles passés à venir

Repliés sur l’ombre grise

De l’attente

La même légende des orchidées

Le sang vierge de nos vertiges

Nos chuchotements giclés dans la peur

Nos violences

Nos crachats amers

Nos visages striés par la rupture régulière

Du temps

Nos erreurs

Et nous

Noirs fantômes confondus

Et sacs de chardons

Avis des d’ivresse

Et d’agitations frénétiques

Ils ont baissé le rideau

La scène circulaire est vide

Leurs muezzins hurlent dans la nuit morte

Les signes n’ont duré que le temps d’une saison

Sur notre terre avortée

Notre histoire blanche

Inscrite dans la légende des mythes convulsionnés

Le spectacle est ailleurs

Traçant les limites de notre rire

Dans la clarté torride de leur silence

La chute

La transe sous le dôme

L’orgueil rouillé de leurs cadavres

Ces hommes crépusculaires

Portant le masque du crime

Sur leurs visages

Dressés contre notre propre soif

Et lampant la ciguë

A la santé de notre désastre