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Conçu et développé par Noureddine JanaTahanaout. Al Maqam. C’est bien un lieu qui ne cesse de s’affirmer et déborde de partout en mille choses. Encore une occasion de s’en assurer. Tandis que tous les matins Mahi Binebine arrive de Marrakech pour s’enfermer dans son vaste atelier logé sous l’aile tutélaire de ce maqam, le maître des lieux, un sage dirait-on, met la main sans fièvre ni agitation aux derniers préparatifs de l’exposition qui doit se tenir au cours de ce mois à Dar Chrifa. Il n’est pas indifférent qu’il s’agisse là d’une demeure traditionnelle et non d’une galerie ordinaire.
Nous sommes deux à être les hôtes de notre ami Mourabiti, Khalil El Ghrib et moi. Entrecroisement de trois regards fort différents sur un travail qui s’annonce important, sinon même considérable. Cela pourrait donner lieu à un jeu passionnant entre parole dite, écrite ou le silence qui est autre chose que le refus de parler et porte en gestation les linéaments d’une certaine pensée de ce qui se donne à voir. Il faut dire que l’enjeu de ce travail longuement mûri est de taille.
C’est sous le signe d’Ibn Arabi, Cheikh Al akbar. Qu’on soit bien convaincu comme j’ai pu l’être au cours de nombreuses conversations avec Mourabiti qu’il ne s’agit nullement d’un effet de mode, le soufisme étant en passe de devenir une enseigne alléchante souvent sous l’habit non pas de la « kharka » mais d’un discours prétendument savant. Et précisément comme il n’est pas question de se saisir de ce regard comme prétexte, on est confronté à une situation des plus complexes et qui suscite bien d’interrogations ; il est important de préciser un certain nombre de choses.
Bien qu’il en ait une certaine connaissance, Mourabiti n’est pas un lecteur éprouvé des œuvres d’Ibn Arabi. Il y a là quelque chose de l’ordre du vécu, une imprégnation dont il est difficile de cerner les contours. Nous en avons longuement parlé ensemble. Je crois pouvoir dire qu’il trouve dans cette mouvance du soufisme le signe d’une totale liberté, si important pour son travail de peintre, une libération de toute contrainte même y compris dans l’ordre de la croyance religieuse.
Le socle populaire du soufisme marqué par tant de maîtres spirituels à travers les âges en notre pays intègre des composantes de liberté, d’ouverture du regard tourné vers le nouveau. On est là dans la proximité quasi intime de Mourabiti. L’on comprend comment s’est manifesté ce désir bien avant de se rendre à Damas, sans qu’il soit possible de tracer le périple qui a abouti à l’œuvre présente devant nous. Au risque de me tromper, de faire fausse route, je pense que Mourabiti, dans sa ferveur, a voulu édifier un tombeau en hommage à Ibn Arabi au sens vrai du mot : édifier un tombeau idéal, virtuel, dont toutes ses toiles constituent la tentative recommencée, parce qu’il y a en ces travaux comme des linéaments d’architecture. Une fièvre d’architecte ou presque. A Damas même, au pied de sa déception, il accumule les ébauches de ses tableaux futurs de formats variés et qu’ensuite il développe et amplifie selon la même modalité une fois revenu à Tahanaout. C’est un défi qu’il s’est lancé qui ouvre sur nombre d’interrogations sur le terrain même de la création artistique et qui en tout état de cause se refuse à toute conclusion.
Edmond Amran EL Maleh